Shunt ou pas shunt carotidien ?

L’intolérance au clampage carotidien sous anesthésie loco-régionale indique de réaliser l’endartériectomie sous shunt. Dans certaines circonstances, et notamment lorsque l’ischémie cérébrale est modérée et que la pose du shunt carotidien augmenterait significativement le risque opératoire il est préférable de ne pas shunter.

75
ans

Homme de 75 ans ayant fait un accident ischémique constitué majeur hémisphérique gauche.

Facteurs de risque d’athérosclérose : hypertension artérielle, hypercholestérolémie, tabac sevré (90 paquets année).

Cliniquement : hémiplégie droite flasque aux trois étages, associée à une aphasie modérée. NIHSS à 17.

Antécédents : trois ans auparavant cet homme avait fait un accident ischémique transitoire hémisphérique gauche. L’echo-doppler n’avait retrouvé qu’une sténose modérée de la carotide interne gauche évaluée à 40 % en critères européens.

Shunt carotidien : les éléments du bilan

Écho Doppler cervical :

Occlusion de la carotide interne droite ; sténose serrée de la carotide interne gauche.

Imagerie cérébrale

irm cérébrale : infarctus jonctionnel entre les territoires sylvien superficiel et profond

IRM cérébrale.

L’IRM cérébrale montre une leucopathie et un infarctus jonctionnel séquellaire entre les territoires sylvien superficiel et profond gauche (flèche verte), ce qui témoigne de la précarité de la perfusion cérébrale.

Angio-IRM des troncs supra-aortiques

Occlusion de la carotide interne droite et sténose serrée de la carotide gauche
L’angio-IRM confirme les lésions artérielles diagnostiquées en écho-doppler.
Sténose serrée de la carotide interne gauche
Cliché centré sur la bifurcation carotidienne gauche.
Perfusion de l’artère sylvienne droite principalement par la communicante antérieure et le segment A1 droit

Clichés intra-crâniens.

Perfusion de l’artère sylvienne droite principalement par la communicante antérieure et le segment A1 droit (flèche rouge), et accessoirement par une petite communicante postérieure (flèche verte).

Shunt carotidien : attitude thérapeutique

Une indication chirurgicale est posée compte tenu du risque d’AVC embolique mais aussi hémodynamique. On suspecte un risque élevé d’intolérance au clampage carotidien.

Lors de l’opération, la bifurcation carotidienne gauche est en position haute ce qui complique la pose d’un shunt et augmente le risque opératoire.

Le clampage n’entraîne pas de déficit moteur ni de trouble de la conscience mais une agitation qui est en faveur d’une perfusion cérébrale insuffisante.

Cette relative tolérance au clampage permet de commencer l’endartériectomie sans shunt en montant artificiellement la pression artérielle à 19 de maxima. La bifurcation carotidienne étant de bon calibre, on fait une artériotomie longitudinale ne dépassant pas la pointe du bulbe. Cela permet d’envisager une suture directe mais aussi de mettre un shunt et ou un patch prothétique si nécessaire.

Malgré la pression artérielle haute, apparait progressivement au cours de l’endartériectomie, un déficit complet du membre supérieur droit sans trouble de la conscience qui correspond à la pénombre ischémique. On décide de ne pas mettre de shunt ce d’autant que l’arrêt de l’endartériectomie à la pointe du bulbe est correct.

Les troubles neurologiques disparaissent en quelques secondes au déclampage.

Bifurcation carotidienne haute

Vue opératoire après l’endartériectomie montrant la pointe du bulbe qui est à la hauteur de l’apophyse transverse de la première vertèbre cervicale (flèche verte).

Angiographie de contrôle

Angiographie de contrôle post-opératoire par voie veineuse.

Synthèse

Lorsque le bilan pré-opératoire met en évidence une forte suspiscion d’intolérance au clampage, il faut faire un abord étendu de la bifurcation carotidienne pour être à l’aise si un shunt doit être posé.

L’anesthésie loco-régionale permet de gérer au mieux l’intolérance limite au clampage qui se manifeste souvent au début par une agitation.

Le test de clampage doit être fait avec une pression artérielle maximale inférieure à 15 pour garder une marge de manœuvre.

La technique chirurgicale utilisée doit être la plus simple et la plus rapide possible mais permettre, si nécessaire, la mise en place d’un shunt, tout en assurant un excellent résultat. Dans ce cas clinique, la suture directe, possible par le calibre suffisant des vaisseaux, remplissait toutes ces conditions.

La qualité du geste prime sur sa rapidité d’exécution.

Le petit calibre de la communicante postérieure gauche limite le vol des territoires postérieurs pour alimenter l’hémisphère gauche et peut expliquer l’absence de symptôme vertébro-basilaire.