Une élévation excessive de la pression artérielle en post-opératoire peut entraîner un hyper débit sanguin cérébral, une fuite anastomotique ou une insuffisance coronaire. Il convient donc, de maintenir la pression artérielle dans les limites de la normale et ce, d'autant plus que le patient a altéré sa vasomotricité cérébrale.
Quels patients ont un risque d’hyper débit sanguin cérébral post-opératoire ?
Les patients qui ont le plus de risque de faire un hyper débit sanguin cérébral sont ceux qui ont une perte de la vasomotricité cérébrale. Il s'agit habituellement de patients qui ont des suppléances intracrâniennes insuffisantes. C'est le cas lorsque les communicantes intracrâniennes du cercle de Willis sont peu fonctionnelles ce qui est parfois majoré par une carotide interne controlatérale occluse ou le siège d'une sténose hyperserrée. Cela se traduit lors de l'intervention par la nécessité de mettre en place un shunt ou par la constatation en cours d'intervention d'un reflux moyen voire médiocre par la carotide interne. Ce sont, en général, ces patients qui ont la plus grande instabilité hémodynamique postopératoire et pour lesquels il est le plus difficile de maintenir une pression artérielle dans les limites de la normale.
Comment sélectionner les malades devant bénéficier d’un traitement anti-hypertenseur ?
Dans notre département tous les patients, quel que soit leur risque d'hyper débit sanguin cérébral, ont une surveillance attentive de la pression artérielle postopératoire. Cela a l'avantage de sensibiliser l'ensemble des soignants sur l'importance de cette surveillance et de la rendre routinière. On évite ainsi que certains patients à risque puissent échapper à cette surveillance. Une raison supplémentaire à cette surveillance systématique de la pression artérielle est que l'hyper débit sanguin cérébral n'est pas la seule complication possible de l'hypertension artérielle postopératoire. Il existe aussi un risque d’hématome cervical compressif par fuite anastomotique et un risque d’insuffisance coronaire par augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche.
Quelle méthode de surveillance de la pression artérielle ?
Nous avons opté pour la surveillance de la pression artérielle par brassard. La pression artérielle est prise toutes les quinze minutes pendant les 24 premières heures puis, si elle est stabilisée, toutes les trois heures, sauf la nuit. Et cela jusqu'à la sortie. La surveillance de la pression artérielle par voie sanglante a l'avantage de donner une information instantanée mais elle est plus contraignante et la surveillance de la pression artérielle par brassard nous a donné jusqu'à présent toute satisfaction. La surveillance de la pression artérielle par voie sanglante pourrait toutefois se justifier chez les patients à haut risque d'hyper débit sanguin cérébral.
Conduite à tenir en cas d'hypertension artérielle postopératoire.
En fin d'intervention, le chirurgien et l'anesthésiste déterminent la pression artérielle maximale admissible en postopératoire. Celle-ci est habituellement fixée entre 12 pour les malades à risque et 14 pour les autres. Ce chiffre peut paraître bas mais l’expérience montre qu’en réalité, malgré la vigilance des soignants la pression artérielle dépasse parfois la limite fixée de 1 à 3 points ce qui fait une limite réelle entre 16 et 17.
En postopératoire immédiat, si la pression artérielle dépasse le seuil fixé, une seringue électrique contenant de l’urapidil (eupressyl) est mise en place dont le débit est régulé pour obtenir une pression artérielle dans les limites fixées. Si l'équilibre ne peut être obtenu avec l’urapidil seul on y ajoute un demi comprimé de clonidine (catapressan) 0,15 mg en sachant que celui-ci doit être manié avec précaution car il peut entraîner une hypotension artérielle sévère. En cas d’échec de cette association l’urapidil est remplacé par du chlorhydrate de nicarpidine (loxen) associé si nécessaire à la clonidine.
Le lendemain de l'intervention, le traitement antihypertenseur habituel du malade lui est administré. Une heure plus tard, si la pression artérielle est dans les limites fixées, la perfusion est enlevée. Si la pression artérielle remonte secondairement elle est gérée par l'augmentation du traitement antihypertenseur du patient et l'administration ponctuelle d'un demi comprimé de clonidine.
Les jours suivants, si le malade est perfusé il faut utiliser l’urapidil à la seringue électrique et s'assurer de la permanence du résultat.
Si le malade n'est pas perfusé :
si l'élévation tensionnelle est supérieure à 180 de maxima il faut donner au patient ½ comprimé de clonidine et le perfuser avec une seringue électrique d’urapidil.
Si l'élévation tensionnelle est comprise entre 150 et 180 de maxima il faut donner au patient ½ comprimé de clonidine per os à renouveler si besoin trois quarts d'heure après. A ce traitement ponctuel doit s'ajouter la modification du traitement antihypertenseur du patient. Il est préférable de prolonger l'hospitalisation des rares patients dont la pression artérielle n'est pas stabilisée le jour de la sortie surtout en cas de suspicion de perte de la vasomotricité cérébrale.
Protocole de perfusion du traitement anti-hypertenseur.
Voie intraveineuse à la seringue électrique (SE).
Préparation de la seringue : 5 ampoules de 10 ml d’urapidil (eupressyl) à 50 mg dans une seringue de 50 ml.
Pression artérielle systolique (PAS) < 100 mmHg : pas de SE ; remplissage.
100 < PAS > 140 mmHg : pas de SE ; surveillance.
140 < PAS <160 : démarrer la seringue électrique d’Eupressyl à 2ml/h (10 mg/h).
- Adapter la vitesse en fonction de la pression, par paliers de 0,2 à 0,4 ml/h (1 à 2 mg/h).
- Le débit maximal admissible de la seringue électrique est de 6 ml/h (30mg/h) : dès ce débit atteint, administration de Catapressan 0,15 mg, ½ cp per os, et surveillance rapprochée de la pression artérielle (risque de baisse rapide de la pression artérielle).
PAS >=160 mmHg, faire un bolus IVD de 2ml (10mg) en 20 secondes (ampoule de 10 ml à 50 mg).
- Temps d’action : 2 à 5 minutes.
- Renouvelable une fois.
- Après l’administration du bolus, protocole entretien à la seringue électrique.
Les hypertensions artérielles sévères résistant au traitement médical doivent être explorées secondairement.