Le shunt carotidien est destiné à perfuser le cerveau pendant le clampage de la bifurcation carotidienne. Il évite l’infarctus cérébral lorsque le polygone de Willis n’est pas fonctionnel mais augmente la complexité du geste chirurgical. Il est nécessaire de bien connaître les indications des shunts carotidiens et leur technique de pose pour les utiliser en sécurité.
Intolérance au clampage carotidien et AVC.
Certaines complications de la chirurgie carotidienne sont liées à une intolérance au clampage. Cette intolérance est due, soit à l'occlusion ou à la sténose hyperserrée de la carotide interne controlatérale ou des artères vertébrales, soit à des communicantes intracrâniennes peu ou non fonctionnelles, soit aux deux associés.
Elle entraîne, lors du clampage carotidien, une ischémie cérébrale responsable, d'abord, du non-fonctionnement des neurones (zone de pénombre) puis après quelques minutes (cette durée dépend du débit résiduel dans l'hémisphère concernée), d'une destruction du tissu neuronal responsable d'un infarctus cérébral plus ou moins étendu en fonction de la durée et de la gravité de l'ischémie.
Comment limiter le risque d'intolérance au clampage.
Sur la table d'opération, la tête du patient doit être positionnée sans rotation excessive et avec une extension minimale en arrière, surtout si l'on craint une intolérance au clampage (Occlusion de la carotide interne controlatérale, Cercle de Willis incomplet, etc.) afin de limiter le risque de compression positionnelle des artères vertébrales.
En cas de chute per-opératoire de la pression artérielle, celle-ci doit être rétablie rapidement.
Comment éviter les complications liées à l’intolérance au clampage.
Pour éviter cette complication plusieurs attitudes sont possibles :
Faire monter artificiellement la pression artérielle.
Cette technique ne peut être qu'une technique d'appoint. Elle est efficace si le polygone de Willis n’est que partiellement incomplet. Elle est inefficace s’il n’existe aucune suppléance. Elle a l'inconvénient d'augmenter la pression artérielle dans l'hémisphère controlatéral lorsque l'axe carotidien controlatéral est libre.
Réaliser l'endartériectomie le plus rapidement possible.
Cette attitude, dont le but est de raccourcir la durée de l’ischémie cérébrale, est totalement illogique. Elle favorise les imperfections techniques, dans une situation où une thrombose carotidienne per ou postopératoire sera systématiquement responsable d'un infarctus cérébral, compte-tenu de l'absence de suppléances.
Réaliser l'intervention sous anesthésie générale sans shunt.
Cette technique, souvent associée aux deux précédentes, a pour objet de mettre au repos les neurones grâce aux substances injectées et de limiter ainsi les conséquences de l'ischémie cérébrale. La protection cérébrale obtenue de cette façon est réelle mais faible. Les neurones ont besoin d'oxygène, pas de produits chimiques. L'anesthésie générale ne se conçoit que si l’on est certain de l'intolérance au clampage et de la nécessité de mettre un shunt et que l'on prévoit des difficultés à sa mise en place.
Mettre en place un shunt dans la carotide.
C’est la technique est la plus logique car elle seule assure un apport correct d'oxygène au tissu cérébral.
Quand mettre un shunt carotidien.
Deux attitudes sont possibles :
Soit mettre un shunt systématiquement.
Notamment si l'on réalise l'intervention sous anesthésie générale. Cette attitude est illogique car la mise en place d'un shunt augmente le risque opératoire. Ce risque est certes augmenté de façon très modérée si l'opérateur est expérimenté, mais il s’agit d’un risque totalement inutile si l’on constate, sous anesthésie générale, en per-opératoire, un reflux franc et pulsatile par la carotide interne distale qui témoigne d’une bonne suppléance par les communicantes et donc de l'inutilité du shunt.
Soit ne mettre un shunt qu'en cas d'intolérance au clampage.
Cette intolérance au clampage (environ 7 % des cas) peut être évaluée cliniquement sous anesthésie loco-régionale ou à l'aide d'examens (prise des pressions distales, électro-encéphalogramme (E.E.G.), etc.) sous anesthésie générale.
Le choix le plus logique est la mise en place du shunt en cas d’intolérance au clampage évaluée cliniquement sous anesthésie loco-régionale. En effet, avec cette méthode, on ne prend le risque d’un shunt que dans environ 7% des cas alors que sous anesthésie générale avec évaluation de la tolérance au clampage par E.E.G. et prise des pressions distales les faux positifs doublent ce risque (environ 15 à 18% des cas). Avec en plus une fausse sécurité par faux négatifs (1% des cas) et un coût financier plus élevé.
Une exception : Si le shunt s’avère difficile à mettre et si l’intolérance est modérée (déficit moteur sans trouble de la conscience ou troubles de la conscience tardifs (quelques minutes) évoquant une simple pénombre), s’en passer est justifié et, dans notre expérience sans conséquences.
Quels sont les risques liés aux shunts et comment les prévenir.
La mise en place d'un shunt pour intolérance au clampage témoigne d'une situation à haut risque pour le patient.
Un risque immédiat.
Car le shunt entraîne un risque embolique lors de sa pose et gêne le geste chirurgical ce qui augmente le risque d'erreur technique.
Cette complication peut être prévenue par un geste parfait dans la mise en place du shunt et dans la réalisation de l'endartériectomie, sans négliger la carotide externe dont l’occlusion majore de façon significative le risque de resténose et donc d'AVC hémodynamique tardif.
Un risque précoce.
Car il existe très souvent une perte de la vasomotricité cérébrale liée à l'hypodébit sanguin cérébral chronique, et parce qu'une occlusion précoce de la carotide interne conduira à un infarctus cérébral.
Cette complication peut être prévenue par la surveillance postopératoire précoce et tardive avec angiographie de contrôle postopératoire systématique et gestion rigoureuse de la coagulation et de la pression artérielle postopératoire pour éviter tout hyper débit sanguin cérébral pouvant conduire à une hémorragie cérébrale.
Un risque tardif.
Car une resténose hyperserrée ou une occlusion conduira à un infarctus cérébral hémodynamique par manque de suppléances.
Cette complication peut être prévenue par la surveillance écho-doppler régulière à la recherche d'une resténose.
Quelle technique d'endartériectomie ?
L’endartériectomie avec patch prothétique est la plus sécurisante, mais les autres techniques permettent aussi d’utiliser un shunt.
Les shunts carotidiens.
Le shunt de Sundt.
Le shunt de Sundt est très souple avec une armature métallique interne. Il existe en trois tailles.
Il est maintenu en place par des pinces ou des tirettes.
La taille moyenne (5-3) est adaptée à la plupart des bifurcations carotidiennes.
La plus petite taille (4-3) est adaptée aux carotides interne de petit calibre mais a l’inconvénient d’être très souple ce qui rend délicate son introduction dans la carotide interne.
Ce shunt a un renflement distal court qui permet son utilisation lorsqu’il existe une boucle ou une plicature immédiatement en aval du bulbe carotidien, ou un segment court de carotide commune en aval d’une plaque d’athérome de celle-ci.
C’est le shunt que nous utilisons habituellement.
Le shunt de Pruitt Inahara.
Ce shunt est muni de ballonnets, qui évitent théoriquement de le sécuriser par des pinces, et un système de purge.
Il est très utile lorsque la carotide commune a un calibre inhabituellement important ou lorsqu’il existe une plaque d’athérome des derniers centimètres de la carotide commune que l’on ne souhaite pas enlever et qui empêche la mise en place des shunts à renflement.
Le faible diamètre de l'embout proximal du shunt de Pruitt Inahara permet de l'introduire dans une carotide commune siège d'une plaque athéromateuse, là ou un shunt à renflement ne passerai pas.
Le shunt de Javid.
Le shunt de Javid a une structure semi souple qui facilite son introduction dans la carotide interne.
La longueur de son extrémité distale contre-indique son utilisation en cas de boucle ou de plicature post-bulbaire.
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Après une endartériectomie carotidienne sous shunt.
La surveillance neurologique postopératoire immédiate doit être particulièrement rigoureuse car la thrombose de la zone d'endartériectomie entraînerait inévitablement des troubles de la conscience nécessitant un contrôle et une réintervention en urgence.
L'angiographie de contrôle postopératoire est systématique pour détecter précocement une anomalie (geste imparfait ou début de thrombose pariétale) pouvant conduire à court ou moyen terme à l'occlusion de la carotide.
La gestion de la pression artérielle postopératoire doit être rigoureuse car ces patients ont une perte de la vasomotricité cérébrale. Une hypertension artérielle post-opératoire hyper débit sanguin cérébrale pourrait conduire à une hémorragie cérébrale. La pression artérielle maximale doit être idéalement maintenue inférieure à 120 mm Hg.
La surveillance écho-doppler régulière va vérifier l'absence de resténose. Celle-ci conduirait à un infarctus cérébral hémodynamique par manque de suppléances.
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Technique de pose du shunt carotidien.
Ce geste doit être réalisé en respectant certaines règles.
- En cas d’intolérance au clampage, le clamp qui a été placé sur une partie saine de la carotide commune est , sauf exception, enlevé.
- L’incision cutanée est agrandie vers le haut et vers le bas pour un meilleur contrôle de la carotide commune et de la carotide interne distale.
- Un lac de sécurité entoure la carotide commune.
- L’anticoagulation par héparine est augmentée de 50 U.I./kg à 100 U.I./kg.
- Le shunt est préparé et rincé au sérum hépariné.
- Les pinces à shunt sont placées à proximité du champ opératoire.
- L’infirmière de salle d’opération doit avoir à proximité un deuxième shunt et un deuxième jeu de pinces à shunt.
Sous anesthésie loco-régionnale.
La mise en place du shunt doit être réalisée de façon calme et posée malgré la perte de conscience du malade, fréquente et due à la pénombre ischémique. Il n’y a aucune raison d’agir très rapidement car l’on dispose de plusieurs minutes pour réaliser ce geste et à l’inverse la précipitation peut faire commettre des erreurs dont certaines entraînent des complications irréversibles.
Avant le reclampage on demande au patient de faire une hyperventilation, ce qui prolonge la tolérance au clampage pendant la pose du shunt.
En cas de convulsions, la carotide est déclampée et une sédation est faite avant le reclampage.
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Technique de fermeture de l'artériotomie sous shunt
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Technique d'ablation du shunt carotidien
L'ablation du shunt carotidien est techniquement plus facile que sa pose mais elle obéit à des règles, sous peine de conduire à des situations compliquées.
Avant de commencer l'ablation du shunt, le patient est oxygéné par hyperventilation.
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Pontage carotidien sous shunt.
Parfois l'intolérance au clampage s'associe à l'impossibilité de faire une endartériectomie. On est alors contraints de faire un pontage sous shunt.
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Excès de longueur de l'axe carotidien et shunt.
Lorsque l’on constate un excès de longueur au cours d’une endartériectomie sous shunt, celui-ci peut être traité par un point tractant la carotide commune vers le bas. Il est cependant préférable de résequer l’excès de longueur lorsque cela est possible.
…une seconde incision transversale est effectuée en amont de façon à isoler un segment de carotide commune. Il faut faire attention à ne pas à réséquer un segment trop important qui obligerait à une suture sous tension, facteur de resténose. En effet, une resténose serait dangereuse dans ce contexte de suppléances inefficaces.
L'angiographie de contrôle montre un petit caillot dans la carotide externe qui disparaîtra sous traitement anticoagulant et une discrète plicature à la pointe du bulbe qui est due à un léger excès de longueur et qui est atténuée par le patch. Comme cela est indiqué plus haut, un léger excès de longueur est préférable à une suture sous tension.
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