Il est difficile de poser l’indication d'un traitement chirurgical pour une occlusion asymptomatique de la carotide commune. Ce dossier décrit le cheminement diagnostique et thérapeutique d'un cas particulier.
Clinique : homme de 67 ans ayant une sténose asymptomatique serrée évolutive de la carotide interne droite.
Facteurs de risque d’athérosclérose : hypertension artérielle ; tabac sevré ; hypercholestérolémie.
Écho Doppler : sténose serrée évolutive de la carotide interne droite évaluée, 70 % en critères ECST lors du dernier examen.
Occlusion de la carotide commune : l'imagerie
Compte rendu de l'angio-IRM faite un mois plus tard : sténose courte et hyperserrée de la carotide interne droite avec ralentissement des flux en aval.
Les clichés sont de très mauvaise qualité et peu interprétables et l'on complète le bilan par un angioscanner fait 15 jours plus tard.
Angioscanner : carotide commune droite non opacifiée. Carotide interne droite sus bulbaire opacifiée (flèche rouge).
Sur les clichés intracrâniens l’artère sylvienne droite est correctement perfusée à partir de la carotide interne gauche via la communicante antérieure (flèche orange). La carotide interne droite est hypoplasique.
L'angioscanner ne permettant pas de comprendre les lésions et notamment le mode de perfusion de la carotide interne puisque la carotide commune semble occluse. On prescrit une angiographie numérisée par voie artérielle.
Les clichés globaux montrent une occlusion de l'artère vertébrale gauche qui est revascularisée en V3 par l’artère cervicale ascendante (flèche bleue) et une sténose à environ 40 % en diamètre (65% en surface) de l'artère vertébrale droite dans son segment V2 (flèche verte). Il n’y a pas d'opacification de l’axe carotidien droit.
Une angiographie sélective de la carotide commune gauche donne l'explication : l'artère thyroïdienne supérieure gauche alimente à contre-courant l'artère thyroïdienne supérieure droite (flèches jaunes)…
… qui elle-même alimente le bulbe carotidien droit et la carotide interne droite (flèches rouges).
Attitude thérapeutique
L’indication à un geste de revascularisation est posé devant le jeune âge du malade, le caractère récent de l’occlusion et les lésions vertébrales.
En peropératoire on constate une vraie occlusion courte de la terminaison de la carotide commune avec un important thrombus mural mais avec, en amont, une fausse occlusion de cette carotide commune qui n’était pas opacifiée mais qui est perméable sans aucun caillot. On peut donc réaliser une endartériectomie classique de la bifurcation carotidienne avec angioplastie prothétique.
Les suites opératoires sont simples.
L'angiographie de contrôle montre la perméabilité de l’axe carotidien droit mais une angioplastie prothétique du bulbe carotidien trop large.
Synthèse
L’indication à un geste de revascularisation de la carotide interne droite est discutable.
- En l’absence de revascularisation le risque d’accident neurologique à court terme est faible : ce malade est asymptomatique et a une bonne reprise en charge de l’artère sylvienne droite par les communicantes du polygone de Willis.
- Le risque opératoire n’est pas négligeable si la carotide commune droite est thrombosée et doit être désobstruée car il peut exister des caillots résiduels adhérents à la paroi de la carotide commune.
L’indication chirurgicale a été retenue car,
- chez cet homme jeune, le risque à long terme de cette occlusion de la carotide commune est élevé du fait de l’occlusion de l’artère vertébrale gauche et de la sténose à environ 65 % de l’artère vertébrale droite dans son segment V2.
- Un autre élément ayant pesé dans l’indication est l’évolution rapide des lésions du côté droit passant de 70 % à l’occlusion en un mois et demi. L’occlusion de la carotide commune étant récente on pouvait raisonnablement estimer que le caillot éventuel dans la carotide commune puisse être enlevé d’un bloc.
- En cas d’échec de cette thrombectomie de la carotide commune il aurait été possible de réaliser un pontage sous clavio-carotidien droit.
Suites opératoires à distance
Une resténose asymptomatique survient 6 ans plus tard.
Elle est traitée avec succès par angioplastie endoluminale.
Le malade est asymptomatique à 10 ans.